Tête-à-tête avec Anne-Claude Allin

Une page se tourne mais le livre n’est pas terminé…

Les quatre prochaines années verront le départ à la retraite d’un quart des membres de la Direction élargie et d’un certain nombre de cadres. Depuis 2 ans, La Source s’y prépare avec une vision plus large que le «simple» remplacement de chacune de ces personnes. Tel un organisme vivant qui s’adapte en permanence pour mieux se développer, elle s’est attelée à revoir l’ensemble de son organisation et à prévoir une implémentation graduelle d’un nouvel organigramme.

Parmi les changements apportés, on trouve notamment la refonte du Décanat des Affaires académiques, dirigé par Anne-Claude Allin, qui chapeautait l’enseignement, la Recherche et les prestations de service. Ce décanat a été scindé en deux, en septembre dernier et remplacé par le Décanat des études et le Décanat facultaire, avec à leur tête respectivement Blaise Guinchard et Alexandra Nguyen.

Si la bascule a été annoncée au mois d’août à l’ensemble de nos partenaires, la prise en main de chacun de ces deux nouveaux postes a été minutieusement préparée depuis le début 2020. Anne-Claude Allin a ainsi pu passer progressivement le relais à ses deux successeurs et leur faire profiter de sa longue expérience tout en redirigeant peu à peu son attention sur les missions stratégiques confiées par la Direction.

Pour marquer ce tournant, nous lui avons posé quelques questions…

Pourquoi avoir passé la main avant la date officielle de votre départ à la retraite?

«C’est vrai que mon départ officiel est prévu en 2022. J’aurais pu exercer mes fonctions jusque-là mais au vu du nombre important de cadres dirigeants qui va partir à la retraite ces 4 prochaines années, nous ne voulions pas introduire trop de changements en même temps. Nous avons fait le choix d’une transition en douceur pour permettre à mes successeurs de prendre leur fonction pendant que je suis encore là. Je peux ainsi être disponible pour répondre à leurs questions, les aider dans certains dossiers et faire en sorte qu’ils soient prêts lorsque Jacques Chapuis et moi-même partiront à la retraite d’ici 2 ans.»

Pourquoi avoir scindé le Décanat des Affaires académiques en deux Décanats?

«Mon poste de Doyenne des Affaires académiques tel qu’il était avant la passation s’est construit au fil du temps, durant 15 ans. Au départ, j’étais Doyenne des Formations. Puis, lorsque l’ancienne Doyenne de la Recherche est partie, j’ai repris la Recherche et les prestations de service. Cela veut dire que j’ai dû porter plusieurs casquettes en même temps. Ce n’est pas tant ma capacité de travail qui a été déterminante et  m’a permis d’assumer mes responsabilités mais plutôt mon expérience dans le domaine de l’enseignement et mes connaissances approfondies des mécanismes propres au milieu des Hautes Écoles de Santé, accumulées durant plus de 30 ans. Nous nous sommes rendu compte que donner les mêmes responsabilités à une personne moins expérimentée représenterait une charge trop grande et un risque pour notre institution.»

«La Direction a donc décidé de répartir ces responsabilités au sein de deux décanats en étant attentifs à garder et à cultiver un lien étroit entre la Formation et la Recherche; le Décanat des études gère les programmes et les étudiants, le Décanat facultaire, lui, l’ensemble du personnel d’enseignement et de recherche. Les deux décanats sont pensés pour dialoguer en permanence sans séparer, voire opposer les besoins de l’enseignement et de la recherche. Il y a quelques années, nous avons créé nos laboratoires d’Enseignement et Recherche, nous avons poursuivi dans cette voie en créant deux décanats différents de ceux de nombreuses Hautes Écoles qui ont l’Enseignement d’un côté et la Recherche d’un autre.»

Vous et La Source, c’est une histoire qui date, non?

«Effectivement, c’est une histoire qui dure depuis plus de 15 ans! Elle a débuté progressivement à l’automne 2004, au moment de la fusion entre l’École de Bois-Cerf et celle de La Source. J’ai commencé à La Source en tant que Responsable de l’Unité de Recherche, membre de la Direction, et pris pleinement mes fonctions en 2005. Après un an, je suis revenue à mes premières amours en reprenant le secteur des formations. A vrai dire, ce poste était plus dans mon domaine que celui lié à la Recherche. Mais j’y suis revenue puisqu’après le départ de la Doyenne de la Recherche, Nataly Viens-Python, en 2016, j’ai repris les activités de Recherche et les prestations de service. C’est à ce moment-là que la Recherche et la Formation ont été rassemblées sous un seul toit, celui du Décanat des Affaires académiques.»

Quel est le conseil que vous donneriez à vos successeurs?

«Je leur dirais de faire confiance au génie propre de La Source, d’accepter les plusieurs mois, voire années nécessaires pour maîtriser le fonctionnement de l’École, de rester curieux et enthousiastes dans l’exercice de leur fonction et de garder du temps pour d’autres choses que le travail. Je leur souhaite d’avoir autant de plaisir que moi dans l’exercice de leur fonction.»

Quel est votre rôle à présent et jusqu’à votre départ?

«J’occupe maintenant le poste de Responsable de missions stratégiques et planche sur plusieurs dossiers. Pour n’en citer que quelques-uns, il y a le bilan Covid-19 afin de garder des traces de la manière dont nous avons géré cette crise et d’intégrer les bonnes pratiques d’enseignement dans les futurs programmes, la gestion des prestations de service et le développement de certaines, la participation au groupe de travail dédié au développement du futur Centre coordonné de compétences cliniques (C4) de la Bourdonnette et d’autres projets encore. J’assure également l’accompagnement des nouveaux doyens et le remplacement de Jacques Chapuis dans certaines commissions et comités.»

Qu’avez-vous fait avant La Source?

«J’ai un diplôme d’infirmière en soins généraux que j’ai obtenu en 1981 à l’École de Chantepierre. Après 3 ans sur le terrain, j’ai été prise par le virus de l’enseignement avec l’envie d’enseigner dans le domaine des soins infirmiers. Je suis alors devenue enseignante assistante à l’École de Morges qui était une école d’infirmières assistantes, à l’époque. Après un an, je suis partie faire la formation à plein temps d’enseignante en soins infirmiers de l’École Supérieure de la Croix-Rouge Suisse, le parcours-type de tout enseignant en école de santé, en ce temps-là. En 1987, après un bref retour à l’École de Morges, je suis allée travailler à l’École de Bois-Cerf. En parallèle, j’ai fait une licence en sciences de l’éducation à Genève et un diplôme d’études approfondies à Lyon. Je suis alors devenue successivement Directrice de Programmes et Directrice adjointe à Bois-Cerf. J’ai complété ma formation par un Master d’études avancées en gestion centré sur les facteurs humains.»

Une anecdote par rapport à La Source à nous livrer?

«Avant la fusion entre Bois-Cerf et La Source, je n’aurais jamais imaginé travailler un jour à La Source qui était pour moi alors la concurrence. Maintenant, je suis très fière d’être à La Source!»

Et votre vie après La Source, vous la voyez comment?

«Je me réjouis beaucoup de pouvoir prendre du temps pour m’occuper de mes petits-enfants! J’imagine quand même garder quelques mandats professionnels comme celui de représentante de l’État de Vaud au sein du conseil d’administration de l’AVASAD. Mais je ne vais pas en faire trop non plus. J’aimerais profiter de passer du temps avec mon mari qui, lui, est déjà à la retraite. Il m’attend avec impatience mais me dit aussi «garde quelque chose car tu ne vas pas supporter de ne rien faire !». »(rire)

«La retraite pour moi sera aussi synonyme de plus de lecture et de musique. J’ai aussi comme projet d’augmenter mon activité physique, comme il paraît que c’est bon pour la santé.» (rire)

«Mais surtout, je vais me laisser surprendre par d’autres choses et diminuer le rythme de cette dernière décennie.»

Quel regard portez-vous sur votre parcours professionnel?

«Quand je regarde mon parcours, j’y vois une cohérence. D’abord on soigne, ensuite on enseigne à ceux qui soignent et enfin, on gère ceux qui enseignent à ceux qui soignent. Il y a toujours ce fil rouge qui est de former au mieux les gens qui vont soigner des personnes fragiles et vulnérables.

Pour moi, toutes ces années n’ont été que du bonheur! J’ai adoré travailler en ayant des enfants et je crois qu’avec mon mari nous avons plutôt bien géré la situation. »(rire)

«Plaisir, apprentissage et innovation seraient les mots-clés qui résumeraient bien ma pensée. Je ne me suis jamais ennuyée à La Source. J’ai adoré et adore ce que je fais! Et je pense que je réussirai à terminer ma carrière avec un enthousiasme intact, c’est mon objectif.»

Quel regard portez-vous sur l’évolution du rôle de l’infirmière?

«Un regard très positif. Le développement de la formation et du rôle de l’infirmière me parait vraiment sur la bonne voie: plus d’autonomie, plus de responsabilités et de leadership. La formation proposée aujourd’hui aux étudiant·e·s n’a juste rien à voir avec celle que j’ai moi-même suivie à la fin des années septante. Il y a encore des progrès à faire pour qu’elle puisse utiliser toute l’étendue de ses compétences. Il faut encore que la reconnaissance de l’importance de son rôle clé dans le système de santé se traduisent dans les actes, pas uniquement dans les paroles.»

Un dicton pour le mot de fin?

«J’aime bien cette phrase d’Einstein «Tout le monde est un génie mais si vous jugez un poisson à ses capacités à grimper à un arbre il passera sa vie à croire qu’il est stupide». Je trouve que cette citation prend tout son sens quand on accompagne et travaille avec des humains.

Il y en a une autre, de Philippe Meirieu, qui m’a accompagnée tout au long de ma carrière, je la cite de mémoire: «L’apprentissage, c’est faire devant les autres ce qu’on ne sait pas faire pour apprendre à le faire».

Il est encore trop tôt pour remercier Anne-Claude Allin pour sa contribution indéniable au rayonnement et à la qualité de l’enseignement de notre École . Il lui reste encore deux ans pour la parachever et nous, nous avons encore ce temps-là pour profiter de ses lumières et de son enthousiasme à toute épreuve. Vivons l’instant présent!