L’équipe Pepper : les étudiant.es, le développeur d’Avatarion, Céline Kramer, Rémi Arnould, Valérie Santschi et Pepper.
David Trotta, Rédacteur, Institut et Haute École de la Santé La Source
«En Suisse, un patient sur dix à l’hôpital subit des dommages à la suite d’erreurs de médication ou des effets indésirables. Les coûts directs qui en découlent sont estimés entre 70 et 100 millions de francs suisses». Ce constat a inspiré une équipe de l’Institut et Haute École de la Santé La Source, menée par la Professeure Valérie Santschi, pharmacienne, PhD, Céline Kramer, bibliothécaire-documentaliste, Rémi Arnould, maître d’enseignement en partenariat avec des étudiant·es et la société Avatarion afin d’explorer une piste nouvelle en vue d’agir sur ces chiffres. L’idée: assister par robot humanoïde les infirmières et infirmiers, qui sont en première ligne, lors de la préparation et l’administration des médicaments. Car plus d’un tiers des erreurs surviennent précisément lors de l’administration. C’est ce que montre un retour d’expérience récemment publié dans la revue «Soins».
Partant de ces éléments, l’expérience s’est déroulée à La Source, dans le cadre du cours à option «Développement technologique et soins infirmiers» ayant pour but de permettre à des étudiant·es Bachelor de vivre de l’intérieur un processus d’innovation. La question de départ: «est-ce qu’un robot humanoïde peut devenir un assistant utile dans le domaine du calcul professionnel», rappellent les auteur·es de la publication.
Pourquoi un robot? L’intérêt réside dans le fait qu’en raison de ses caractéristiques, il peut s’avérer un assistant précieux auprès du personnel en première ligne dans l’administration médicamenteuse, en particulier pour le double contrôle. Pepper, le nom du robot, ne subit pas les mêmes réalités que les humains, notamment les interruptions de tâches (IT), mais pas seulement. «Ce principe du «contrôle à quatre yeux» consiste à attribuer le double contrôle à une tierce personne afin de vérifier si elle parvient au même résultat que le soignant qui a fait le calcul initial. Dans la pratique, cette étape requiert que le vérificateur dispose d’un endroit calme et ne soit pas interrompu, ce qui génère une charge de travail supplémentaire pour les membres de équipes soignantes et ajoute de la charge mentale pouvant conduire à des erreurs», soulignent encore les auteur·es dans leur publication. Or, «les IT représentent une réelle problématique susceptible d’être à l’origine d’événements indésirables conséquents».
Au terme de l’expérience, au cours de laquelle des soignant·es ont eu à tester et à collaborer avec Pepper sans préparation préalable, les résultats se sont avérés plutôt concluants. Même si les participant·es estiment qu’en l’état le système ne pourrait pas encore être utilisé dans les services, exigeant certains développements pour que Pepper devienne un assistant à part entière, les testeurs soulignent néanmoins la facilité d’utilisation du robot, ainsi que son utilité dans certains contextes précis. Par exemple pour «les infirmières de nuit, qui n’ont personne avec qui effectuer le double contrôle».
Aucune réticence ne s’est manifestée à collaborer avec un outil de ce type. Un autre avantage relevé concerne la fonction d’assistant vocal de Pepper, qui permet aux soignant·es de garder les mains libres et de continuer à se centrer sur leurs tâches, sans oublier les avantages hygiéniques à ne pas avoir à recourir à une tablette.
Un outil donc intéressant, moyennent des améliorations, principalement dans la bonne compréhension des voix, où il aura parfois fallu répéter à plusieurs reprises les chiffres indiqués au robot afin qu’il saisisse et notifie correctement les informations transmises par les soignant·es.
Une piste à explorer davantage, qui montre de réelles possibilités. «L’emploi d’un humanoïde tel que Pepper en tant qu’assistant du soignant, et notamment dans le cadre de l’administration médicamenteuse, est tout à fait nouveau et représente une réelle opportunité à exploiter», concluent les auteur·es.
Arnould R, Kramer C, Santschi V. Eviter les erreurs d’administration médicamenteuse : retour d’expérience de l’assistance du Robot Pepper pour le double contrôle. Soins. 2024 ; 69(883): 10-15. doi: 10.1016/j.soin.2023.12.017.